Réduction de la pollution lumineuse : suggestions pour le Luxembourg

Oekozenter Pafendall et Mouvement Ecologique avaient organisé un séminaire technique sur les moyens de réduire la pollution lumineuse le 7 février 2019 à Oekozenter Pafendall. L’événement, en présence du ministre Cl. Turmes, a été bien suivi avec plus de 80 participants et la réponse a été positive tout au long de la journée. L’objectif était d’initier les participants au sujet en théorie et en pratique, ceci avec des conférences d’experts et en se basant également sur le guide du Ministère de l’Environnement « Good Light in Outdoor Spaces ». (*)

Le Mouvement écologique et le service de conseil en construction écologique de l’Oekozenter Pafendall ont maintenant formulé un certain nombre de suggestions basées sur l’échange qui a eu lieu et qui sont résumées ci-dessous.

  1. Evolution du guide « Bonne lumière » dans les espaces extérieurs – notamment du point de vue de la protection de la nature.

Dans la lutte contre la pollution lumineuse, le guide « Bonne lumière » dans les espaces extérieurs pour le Grand-Duché du Luxembourg est certainement un premier instrument utile dans la lutte contre la pollution lumineuse, qui permet d’éviter à l’avenir les émissions lumineuses inutiles grâce à des informations factuelles et de soutenir les autorités locales, les bureaux de planification et également les utilisateurs privés dans la planification et la mise en œuvre de mesures de réduction des émissions grâce à des recommandations d’action concrètes.

Du point de vue du Mouvement Ecologique et de l’Oekozenter Pafendall, des mesures supplémentaires et des compléments au guide seraient toutefois nécessaires pour réduire la pollution lumineuse au Luxembourg.

Malheureusement, le guide contient très peu d’orientations claires du point de vue de la conservation de la nature, notamment dans les zones extérieures des agglomérations.

Toutefois, dans les recommandations d’action, le guide se contente d’examiner les exigences relatives à l’éclairage à prévoir, sans les contre-vérifier du point de vue de la protection de l’environnement et, surtout, de la conservation de la nature et de leurs exigences concrètes.

En outre, les lignes directrices ne font pas référence à des lois ou à des objectifs de conservation de la nature applicables.
(plan d’action pour la protection de la nature, etc.). Bien qu’il soit fait référence aux problèmes dans le domaine de la faune et de la flore, il n’y a pas de recommandations sur la manière de procéder.
Cependant, il n’existe aucune recommandation sur la manière de vérifier si et où la conception de l’éclairage peut affecter la conservation de la nature. Par conséquent, un contrôle standard en termes de conservation de la nature devrait être inclus dans les recommandations d’action.

Mais éclairer, c’est aussi interférer avec les lois de protection des espèces !

Étant donné que le groupe des chauves-souris, en tant que successeur culturel, forme souvent des colonies de reproduction dans les bâtiments publics, un soin particulier doit être apporté au processus de planification. Par conséquent, lors de la mise en œuvre de l’éclairage des bâtiments publics et de l’élaboration d’un plan directeur pour l’éclairage des villages et des villes au moyen de l’EIE, il convient de s’assurer qu’aucun gîte d’espèces de chauves-souris dont l’état de conservation est mauvais n’est affecté. Des mesures de protection distinctes doivent être prises ici pour les ouvertures d’entrée et de sortie, les routes de vol et les terrains de chasse. De même, les spectres de couleurs nuisibles pour les insectes et les chauves-souris doivent être évités ici et faire l’objet d’une approbation.

  1. La pollution lumineuse : une compétence essentiellement du Ministère de l’Environnement

Une autre recommandation du Mouvement écologique et de l’Oekozenter Pafendall serait de confier la compétence en matière de pollution lumineuse principalement au Ministère de l’Environnement ou à la fois au Ministère de l’Énergie et au Ministère de l’Environnement.

Le passage à la technologie d’éclairage LED permet d’économiser beaucoup d’énergie par rapport à l’ancienne technologie d’éclairage. Cependant, c’est précisément ce potentiel d’économie d’énergie qui comporte le danger d’une augmentation de l’éclairage ou d’un gaspillage de lumière. Et ce, pour une raison simple : certaines personnes partent du principe que, puisque les LED permettent d’économiser de l’énergie, il serait permis d’éclairer des zones de plus en plus grandes pendant des périodes de plus en plus longues ou avec une plus grande intensité. L’éclairage extérieur nocturne peut ainsi s’étendre de plus en plus à des régions autrefois sombres. Les conséquences sont la poursuite de la progression de la pollution lumineuse avec, entre autres, son impact néfaste sur l’environnement. Le type et le niveau d’éclairage extérieur ne sont donc pas seulement une question de consommation d’énergie, mais aussi une question d’impact environnemental. Et les compétences essentielles en matière d’environnement et de protection de la nature relèvent du Ministère de l’environnement !

  1. Fixer des limites pour les émissions lumineuses

En Allemagne – comme en Suisse – la limitation de la lumière est réglementée par la loi sur la protection des émissions. L’objectif est de protéger les personnes, les animaux, les plantes, leurs communautés biotiques et les habitats en général contre les effets nuisibles ou gênants. En ce qui concerne la pollution lumineuse, il n’existe cependant pas à ce jour – selon nos informations – de clarification nationale juridiquement contraignante pour les exploitants d’installations et les autorités de contrôle sur la question de savoir à partir de quand les immissions lumineuses doivent être considérées comme nuisibles à l’environnement.

L’évaluation de l’importance des nuisances causées par les impacts lumineux au sens de la loi fédérale sur la protection contre les nuisances doit donc être effectuée sur la base de « règles et règlements d’organisations d’experts » ou d' »expertises au cas par cas ».

Par exemple, une limite supérieure devrait être fixée pour l’éclairement des bâtiments publics, des églises et des châteaux.

Dans l’attente d’un ancrage juridique, le ministère devrait faire des recommandations à tous les acteurs et, notamment dans les projets publics de l’État lui-même, respecter ces limites supérieures sur une base volontaire.

  1. Utiliser le Pacte climat comme un instrument efficace

La pollution lumineuse est déjà un élément du Pacte climat. Ce fait est bien sûr bienvenu. Toutefois, le Mouvement écologique et l’Oekozenter Pafendall sont convaincus que le Pacte climat ne deviendra un instrument réellement efficace pour réduire la pollution lumineuse que si les dispositions légales et réglementaires à cet égard sont concrétisées dans le Pacte climat.

  1. Se concentrer davantage sur les règlements communaux en matière de construction

La législation actuelle en matière de construction prévoit certainement que des spécifications concrètes et efficaces dans l’espace pour la pollution lumineuse peuvent être élaborées dans le cadre de la préparation du PAG. Par exemple, pour une certaine zone désignée dans le plan général d’aménagement du territoire, des dispositions peuvent être prises pour veiller à ce que la pollution lumineuse soit évitée dans un couloir (par exemple, dans la zone du centre-ville).
pour une certaine zone désignée dans le plan général d’utilisation des sols afin de réduire au minimum la pollution lumineuse dans un corridor (par exemple, pour la protection des chauves-souris).

Malheureusement, les communes n’ont fait qu’un usage très limité de cette possibilité, probablement aussi parce qu’elles ne sont pas encore suffisamment conscientes de leur marge d’action et de l’importance de la question.

L’éclairage extérieur dans la zone des bâtiments résidentiels, des magasins, des jardins, etc. peut également être de plus en plus réglementé par le code du bâtiment municipal. Le « règlement-type sur les Bâtisses, les Voies publiques et les Sites » indique au chapitre 7.3 : « L’éclairage urbain doit être conçu de manière à limiter la pollution lumineuse générale, notamment la pollution nocturne du ciel et les nuisances ayant des répercussions néfastes sur la santé humaine et les écosystèmes ».

Le Ministère de l’Energie et le Ministère de l’Environnement devraient donc insister sur la nécessité d’agir également au niveau municipal. Cela nécessite des recommandations très spécifiques pour les dispositions d’application dans les règlements de construction, qui devraient être préparées par les ministères pour les communes.

Une autre possibilité serait de définir une limite supérieure admissible pour l’éclairage extérieur dans le « Règlement grand-ducal concernant la performance énergétique des bâtiments d’habitation ».

  1. Renforcement de la réglementation concernant la publicité et l’éclairage des vitrines des magasins

Le Mouvement écologique et l’Oekozenter Pafendall recommandent également de mieux réglementer la publicité et l’éclairage des vitrines. Comme ce domaine de la conception d’éclairage est en concurrence pour attirer l’attention des passants, l’excès d’éclairage est dans la nature des choses. Il est urgent de formuler des recommandations plus cohérentes et de mettre en place un cadre juridique pour éviter que les gadgets lumineux ne deviennent incontrôlables. À ce stade, s’appuyer uniquement sur la sensibilisation des revendeurs n’est probablement pas efficace, d’autant plus que les chaînes de magasins étrangères n’ont généralement pas de personnes de contact direct sur place.

En raison de la loi omnibus, les communes sont responsables de la majorité des permis pour les panneaux d’affichage. Dans son « Règlement-type sur les Bâtisses, les Voies publiques et les Sites », le Ministère de l’Intérieur fait diverses recommandations aux communes dans l’Art. 16 sur la meilleure façon de mettre en œuvre ces exigences. Il s’agit de la distance d’installation des enseignes lumineuses à proximité des habitations et de leur luminance maximale :

«Dans les zones d’habitation, telles que définies par le PAG, les enseignes lumineuses, y compris les écrans publicitaires, doivent être munies d’un interrupteur temporisé, réglé de manière à éteindre le dispositif lumineux au plus tard à 0h00 et jusqu’à 6h00 du matin. La luminance ne peut dépasser 2.500 cd/m2 pendant la journée et 500 cd/m2 pendant la nuit, c’est-à-dire pendant la durée comprise entre le coucher et le lever du soleil. Dans les zones destinées à être urbanisées, dédiées prioritairement à l’habitation, la luminance ne peut dépasser 300 cd/m2 pendant la nuit.»

L’article prévoit un dispositif d’extinction nocturne obligatoire pour les enseignes et écrans lumineux dans les zones d’habitation. Toutefois, les heures d’extinction devraient être plus restrictives et s’appliquer de 22h00 à 07h00 comme dans le cas de la protection contre le bruit. En outre, ces heures d’arrêt doivent s’appliquer et être respectées partout, c’est-à-dire également en dehors des zones résidentielles.

Les recommandations susmentionnées devraient être rédigées beaucoup plus fortement dans le sens d’éviter la pollution lumineuse, entre autres en ce qui concerne les limites supérieures autorisées, c’est-à-dire que le « règlement-type » devrait être révisé en conséquence.

D’une manière générale, il serait souhaitable que les recommandations d’action des lignes directrices soient coordonnées avec les spécifications du « Règlement type sur les Bâtisse, les Voies publiques et les Sites » concernant l’éclairement vertical moyen maximal admissible au niveau des fenêtres de l’espace à évaluer ou concernant la luminance maximale dans les différentes zones.

En outre, il n’existe pas de recommandations concrètes concernant l’éclairage des vitrines. Il serait donc souhaitable que la main pertinente
les recommandations des lignes directrices devraient être intégrées dans le « Règlement-type sur les Bâtisses, les Voies publiques et les Sites ».

Toutefois, il serait erroné de laisser cette responsabilité aux seules municipalités. Le Mouvement Ecologique et l’Oekozenter Pafendall plaident pour que – au-delà du « Rêglement-type » – par exemple dans le cadre d’une loi sur la protection des émissions – des valeurs limites claires soient définies de la part de l’Etat qui doivent être respectées dans certaines situations.

  1. Réviser la législation sur le Commodo-Incommodo et la conservation de la nature.

Aussi importantes que soient les recommandations du guide aux yeux du Mouvement écologique et de l’Oekozenter Pafendall, il n’est pas possible de contourner des dispositions légales claires.

La loi sur le Commodo-Incommodo ne fait pas une référence suffisamment explicite au fait que la pollution lumineuse doit également être un élément central du permis ; en ce sens, la loi devrait être révisée et dotée de dispositions plus claires.

Il en va de même pour la loi sur la conservation de la nature : si les aspects liés à la conservation des espèces jouent un rôle dans l’installation ou le renouvellement de l’éclairage artificiel, les bâtiments/établissements abritant des gîtes de reproduction connus d’espèces de chauves-souris menacées doivent bénéficier d’une protection spéciale contre un éclairage incorrect.

De même, dans le cas de projets d’éclairage à grande échelle (voir CFL MultiModal), il faut présenter une étude d’éclairage qui tient compte à la fois de la plus grande réduction possible de la pollution lumineuse et des effets possibles, par exemple sur les zones protégées NATURA 2000 et les espèces menacées.

Il est certain que le Ministère de l’Environnement a déjà une responsabilité correspondante : cependant, celle-ci devrait être encore mieux définie et plus fermement ancrée dans la loi, tant dans les zones intérieures qu’extérieures des agglomérations.