Workshop pour les agriculteurs : Des sols sains et l’organisation de l’exploitation sont les clés de la résilience climatique

Le 23 février 2024, 45 agriculteurs se sont réunis à l’Ackerbauschoul (LTA) pour se familiariser avec l’approche du projet européen ClimateFarming par le biais d’exercices interactifs et d’analyses pratiques des sols. L’Ekologesch Landwirtschaftsberodung a organisé l’atelier dans le cadre du projet européen ClimateFarming en collaboration avec le partenaire allemand Triebwerk.

 Les agriculteurs / agricultrices sont habitué(e)s au vent et aux intempéries. Cependant, aucun facteur environnemental ne leur donne autant de fil à retordre que le changement climatique. C’est également ce qui ressort de notre enquête 2022/2023 Les longues périodes de sécheresse et les fortes pluies entraînent de plus en plus souvent des pertes de rendement et un manque de fourrage. À cela s’ajoute une incertitude croissante en matière de planification en raison de l’évolution des périodes de végétation, ce qui entraîne également une augmentation du stress au travail dans les fermes. Un seul exemple actuel : en raison des températures chaudes et des nombreuses pluies, la période de végétation a commencé particulièrement tôt cette année. En même temps, de nombreux sols sont tellement humides qu’ils ne peuvent pas être cultivés. Dès que les champs seront à nouveau praticables, il faudra fertiliser et semer sous haute pression.

L’approche ClimateFarming

 Bien sûr, l’agriculture a toujours été à la merci des forces de la nature. Le changement climatique ajoute toutefois une nouvelle dimension à cette dépendance et fait partie de la structure de pressions réelles et vécues qui affectent de nombreuses exploitations. L’objectif du projet ClimateFarming est donc de faire prendre conscience aux agriculteurs que, même – et peut-être surtout – en ce qui concerne le changement climatique, il existe des possibilités qu’ils peuvent eux-mêmes mettre en œuvre. Il ne s’agit pas de remèdes miracles universels ou de recettes miracles. Notre projet a plutôt développé le cycle ClimateFarming, une approche en cinq étapes qui permet de planifier et de mettre en œuvre de manière stratégique, en collaboration avec la direction de l’exploitation, des options spécifiques à l’exploitation et au site pour une meilleure résilience climatique :

  • Étape 1 – Statu quo : Quelle est la situation de mon exploitation ? Comment est mon sol ?
  • Étape 2 – Analyse de la vulnérabilité : quelle est la vulnérabilité de mon exploitation par rapport au changement climatique ?
  • Étape 3 – Mesures à prendre : Comment puis-je améliorer mon sol et adapter mon exploitation ? Quelles sont les options disponibles ?
  • Étape 4 – Stratégie climatique : comment rendre mon exploitation apte au changement climatique (à court, moyen et long terme) ?
  • Étape 5 – Mise en œuvre & suivi : avec quelles mesures vais-je commencer ? Comment puis-je en contrôler le succès ?

Ce faisant, le projet relie de manière systématique deux niveaux qui sont souvent abordés séparément : Le sol et l’exploitation, et ce dans le contexte des conditions et des changements écologiques et sociaux. Ils constituent la marge de manœuvre des exploitations. Les sols peuvent être améliorés. Les exploitations peuvent être diversifiées. C’est ce dont il était question lors du premier Farmer Workshop du projet au Luxembourg.

L’atelier a également été une excellente occasion d’en apprendre davantage sur les évaluations et les pratiques des exploitations agricoles locales et de recueillir des réactions. L’utilisation de Mentimeter, qui permet aux agriculteurs de répondre à certaines questions par téléphone portable (en temps réel), s’est révélée très utile à cet égard.

Soigner et entretenir un sol

La pédologue Alena Holzknecht de Triebwerk a présenté les multiples fonctions du sol par rapport aux écosystèmes et au climat (voir Downloads). L’accent a été mis sur le sol en tant que source et réservoir de carbone (qui, combiné à l’oxygène, donne le CO2, nuisible au climat). En raison du changement climatique, nos sols perdent de plus en plus de carbone. À cela s’ajoutent des formes d’utilisation intensive des terres qui nuisent aux structures naturelles du sol (à la vie du sol !), comme le labourage excessif et le compactage (par exemple par des machines lourdes), ou la transformation de prairies en cultures. Parmi les conséquences importantes de ces pratiques, on peut citer le risque accru d’érosion (qui emporte la précieuse terre végétale) ou de stagnation de l’eau, la diminution de la rétention d’eau et la réduction de l’oxygène et des nutriments disponibles pour les plantes et les organismes vivants. La vie du sol s’appauvrit. Il faut fertiliser davantage pour maintenir les niveaux de rendement. En d’autres termes, avec la perte de carbone, le terreau de l’agriculture disparaît littéralement.

C’est pourquoi la (re)mise en valeur des sols est une clé pour une plus grande résilience climatique. Les mesures qui y contribuent sont bien connues. Le projet ClimateFarming n’apporte donc pas de nouvelles réponses – mais des arguments supplémentaires en faveur de méthodes d’exploitation (dont beaucoup sont à l’origine issues de l’agriculture biologique et régénérative), qui sont désormais mises en œuvre par un nombre croissant d’exploitations. C’est ce qui ressort également des réponses des participants à Mentimeter (voir l’introduction sous Downloads). Parmi elles, on trouve notamment un travail du sol réduit (pas de labour), des cultures intermédiaires, des rotations culturales élargies, des sous-semis et l’utilisation de paillis organiques ou de compost.

Ces mesures améliorent la capacité de rétention d’eau du sol et le protègent ainsi contre le lessivage et la sécheresse.  Bien entendu, elles n’offrent pas une « protection sans faille » contre tous les événements climatiques extrêmes et doivent être mises en œuvre sur plusieurs années pour obtenir des améliorations fondamentales du sol. Il faut également faire preuve d’un certain sens de l’expérimentation. Mais il est incontestable que la santé des sols est une condition importante pour une production résiliente au climat. Les solutions miracles, qui plus est en appuyant sur un bouton, sont de toute façon rares.

Description du sol sur le terrain

 Lors de l’atelier de midi, une « description du sol sur le terrain » (voir Downloads) a été réalisée de manière très pratique avec les exploitations participantes, afin de montrer comment les agriculteurs / agricultrices peuvent eux(elles)-mêmes évaluer la santé de leur sol (et donc le succès des mesures d’amélioration du sol). L’accent a été mis sur le diagnostic à la bêche et le test de stabilité des agrégats, qui permet de mesurer la stabilité à l’eau des miettes de sol. En raison de la pluie qui a duré plusieurs jours, Marc Jacobs, conseiller agricole de l’Oekozenter, avait apporté des échantillons de bêche de ses propres champs, à partir desquels les participants ont pu échanger sur les paramètres de santé du sol tels que la surface, l’odeur, la couleur et l’enracinement, et ainsi tirer des conclusions sur l’historique de leur exploitation et les options d’amélioration possibles.

Vous trouverez la fiche de documentation développée dans le cadre du projet ClimateFarming pour le profil d’exploitation et les analyses du site et du sol (étape 1) sous « Downloads » (actuellement encore en anglais).

Les exploitations robustes et diversifiées ont l’avantage

 Dans la deuxième partie du workshop, Nils Tolle de Triebwerk, qui a lui-même repris une exploitation familiale à titre d’activité secondaire, a expliqué comment les exploitations peuvent systématiquement évaluer leur vulnérabilité ainsi que leurs forces et les opportunités possibles (analyse SWOT, étape 2 de la présentation sous « Downloads »).

Le profil d’exploitation, les analyses de site et de sol ainsi que les données météorologiques et les projections climatiques servent de base. Parallèlement, une attention particulière est accordée aux objectifs et aux possibilités de l’exploitation. De quel revenu minimum une exploitation a-t-elle besoin pour couvrir les frais d’exploitation, les salaires, les crédits, les investissements, etc. Combien de personnes travaillent sur l’exploitation ? Quels sont les objectifs écologiques et sociaux de l’exploitation ?

Sur cette base, des options sont formulées pour les mesures possibles – des mesures d’amélioration des sols à l’ouverture de nouvelles branches d’exploitation – qui s’offrent pour améliorer la résilience climatique et atteindre les objectifs de l’exploitation (étape 3).

Une stratégie d’exploitation est finalement élaborée en collaboration avec l’agriculteur/l’agricultrice, dans le cadre de laquelle sont planifiées les mesures à mettre en œuvre à court, moyen et long terme (étape 4). L’objectif de la stratégie est d’aller au-delà des mesures ponctuelles et de bien équiper l’ensemble de l’exploitation pour faire face non seulement aux défis climatiques, mais aussi aux futurs défis économiques et politiques auxquels l’exploitation pourrait être confrontée à l’avenir. Nils Tolle a souligné : « Seule une exploitation robuste sur le plan économique peut également être résiliente sur le plan climatique. En période de changement climatique et de nombreuses autres crises, le risque que les faiblesses de l’entreprise conduisent, dans le pire des cas, à sa disparition« . Cela est particulièrement vrai pour les exploitations hautement spécialisées et fortement endettées qui « mettent tous leurs œufs dans le même panier » et construisent par exemple de nouvelles grandes étables sans être sûres de pouvoir produire suffisamment de fourrage à l’avenir ou de pouvoir supporter les prix des achats de fourrage.

En revanche, dans les exploitations diversifiées, les risques sont répartis entre plusieurs branches d’exploitation. Les dommages et les pertes causés par les phénomènes météorologiques extrêmes, les changements sociaux, économiques et politiques peuvent être mieux amortis et absorbés. Cela vaut surtout pour les exploitations qui sont moins dépendantes des chaînes d’approvisionnement mondiales (qu’il s’agisse d’aliments pour animaux, d’engrais ou de débouchés lointains) et qui misent sur des cycles d’éléments nutritifs et une commercialisation régionaux fermés : Mot-clé : autarcie.

Table ronde et exemples pratiques

 Pour finir, un échange a eu lieu avec les chefs d’exploitation Luc Emering et Fränky Peller sur la mise en place et la stratégie de leurs exploitations (Dudel-Magie respectivement A Lill), qui ont été élaborées de manière exemplaire sur la base de l’approche ClimateFarming. Les deux exploitations se distinguent entre autres par une gamme de produits diversifiée, des circuits de commercialisation directs et la production d’énergies renouvelables. Sur quelles considérations se basent les décisions concernant les orientations de l’exploitation, telles que la création de nouvelles branches d’exploitation ?

Tous deux ont souligné que leurs décisions n’étaient pas prises par eux seuls, mais en concertation avec leur famille, et qu’elles devaient également être considérées à la lumière de l’histoire de leurs exploitations. L’un d’entre eux a souligné que le développement de nouvelles branches de production (avec les investissements correspondants) nécessitait un certain goût du risque. L’autre a indiqué qu’il avait plutôt tendance à « jouer la carte de la sécurité ». Cela signifie, entre autres, qu’il n’augmente pas de manière significative les besoins en fourrage et en surface de son exploitation et qu’il génère une part croissante de ses revenus par des moyens locaux et régionaux (y compris par un jardin d’autocueillette). Les partenariats avec d’autres agriculteurs et de bons contacts avec les consommateurs sont également importants pour les deux agriculteurs. Mais chaque exploitation est différente et doit trouver sa propre voie.

En ce qui concerne les mesures d’amélioration des sols, tous deux expérimentent, entre autres, différentes rotations de cultures, des cultures robustes, des fourrages et des arbres fruitiers. Ils ont souligné qu’il s’agissait d’un processus d’apprentissage continu, dans lequel ils suivent et analysent pendant des années les mesures qui fonctionnent bien en fonction du sol et des conditions météorologiques (étape 5). Le fait que des erreurs soient commises et que des corrections fondamentales doivent être apportées fait partie intégrante de ce processus. Ils sont également prêts à abandonner certains sites pour l’agriculture si aucune mesure n’est efficace.

Comment le projet se poursuit-il ?

 Le workshop a donné lieu à de nombreuses suggestions et à des retours utiles pour le projet ClimateFarming. Au total, 20 participants (sur 33) étaient « en partie d’accord » avec l’affirmation selon laquelle ils retireraient de l’atelier des connaissances et des méthodes utiles pour mieux s’adapter au changement climatique. Six étaient « tout à fait d’accord ». La discussion avec les professionnels, les exemples pratiques et l’implication interactive des participants à l’aide du Mentimeter ont été particulièrement appréciés. Sur cette base, les partenaires s’orienteront encore plus vers des exemples pratiques concrets jusqu’à la fin du projet en mars 2025 et impliqueront davantage les agriculteurs dans la préparation et le développement de futures manifestations et de formats interactifs.

Nous remercions chaleureusement tous les agriculteurs participants, les entreprises partenaires et nos partenaires associés, la LTA, la LLJ et l’IBLA, pour leurs contributions engagées.

Plus d’informations sur le projet : http://climatefitfarming.eu/home/